Quelle évolution de la concentration en nitrate sur les trente dernières années ?
Pour répondre à cette question, nous présentons les courbes d'évolution de la concentration en nitrate pour les cours d'eau bretons (source : site internet http://www.observatoire-eau-bretagne.fr) et pour les principales prises d'eau situées dans le Pays de Brest : Elorn, Aber wrac'h, Kermorvan (source: données transmises par les syndicats d'eau). Dans tous les graphiques présentés ci-après, la concentration en nitrate est indiquée en percentile 90, indicateur officiel de la DCE (Directive Cadre sur l’Eau).
La courbe bleue présente l’évolution de la concentration en nitrate, (Percentile 90 = teneur maximum de 90 % des analyses). La ligne rouge représente le seuil de 50 mg/l.
La concentration passe de 25 mg/l en 1980 à 35,7mg/l en 2011 en passant par un maximum de 53,3 mg/l en 1993. La décroissance a été forte dans la deuxième moitié des années 90 et au début des années 2000 (en dix ans on a perdu 10 mg/l. Elle s’est ralentie durant la période 2002/2006 et depuis cette date la décroissance se poursuit à un rythme moins soutenu.
Depuis 10 ans, on se situe désormais dans la tranche « 40 mg/l à 30 mg/l » avec une légère tendance à la baisse.
En 20 ans (depuis 1993), la concentration en nitrate a baissé de 33 % pour l’ensemble des cours d’eau bretons
Au niveau du SAGE de l’Elorn, la courbe des nitrates suit la même tendance que celle des cours d’eau bretons en restant en dessous du seuil (50 mg/l)
Le territoire du SAGE (Schéma d’Aménagement et de Gestion de l’Eau) de l’Elorn est couvert par plusieurs prises d’eau en rivière : la principale est Pont ar Bled (Plouedern) sur la rivière de l’Elorn ainsi que les prises d’eau de Kerleguer (Bohars)sur la Penfeld, du Moulin blanc (Le Relecq Kerhuon) pour les rivières du Costour et de Guipavas.
Pour illustrer l’évolution de la teneur en nitrate pour le SAGE de l’Elorn, nous avons sélectionné l’évolution de la courbe des nitrates à la prise d’eau de Pont ar Bled, car c’est celle qui traite le plus de volume et qu’elle est assez représentative de l’évolution des autres prises d’eau.
Le graphique ne présente que la période 1990/2011. Il manque les chiffres de la décennie (80/90).La courbe bleue présente le percentile Q90 (la teneur maximum de 90 % des analyses). La ligne rouge représente le seuil de 50 mg/l.
Comme pour les cours d’eau bretons, le maximum se situe au milieu des années 90 à un niveau de 50 mg/l et on finit à 39,6 en 2011.
Depuis près de 20 ans, la baisse de la concentration en nitrate pour le bassin versant de l’Elorn est de 20,8 %. Elle s’est produite surtout sur la période (1995/2002). Depuis cette date, on se situe plutôt autour des 40 mg/l sans percevoir de tendance à la baisse pour le moment.
Spécificité du SAGE de l’Elorn (Elorn + bassins versants voisins) : la surface du SAGE de l’Elorn est importante : 730 km2. On est en présence d’un grand territoire. La moitié (360 km2) est occupée par l’agriculture. Près de 800 exploitations agricoles se trouvent sur ce territoire, soit une moyenne de 45 ha par exploitation. La grande majorité des exploitations sont des élevages, lait principalement et mixtes (atelier lait + atelier porc). Il reste une part relativement importante occupée par des espaces naturels.
Au niveau du bassin versant de l’aber wrac’h, la courbe des nitrates suit la même évolution que celle des cours d’eau bretons avec des valeurs plus élevées
La prise d’eau de l’Aber Wrac’h est utilisée pour alimenter en eau potable une partie du territoire du Syndicat des eaux du Bas-Léon : 27 communes et 4 Syndicats de production et/ou distribution d’eau potable du Nord-Finistère, représentant environ 88 000 habitants.
Le graphe ci-dessus représente l’évolution des percentiles 90 et 95 (courbe bleue et verte) (teneur maximum de 90 et 95 % des analyses) en comparaison à la limite des 50 mg/l (ligne rouge).
L’objectif du syndicat du Bas Léon est que le percentile95 se situe en dessous du seuil de 50 mg/l en 2012. En 2011, il est à 53mg/l. Rappel l’objectif de la DCE est que le percentile 90 se situe en dessous de 50 mg/l en 2015.
Pour la prise d’eau de Baniguel, on part d’une situation relativement élevée en 1982, car la concentration est de 53,9 mg/l (au dessus du seuil de 50 mg/l). L’évolution ensuite est la même que pour les cours d’eau bretons avec des valeurs plus élevées (+ 20 mg/l) et en permanence au dessus du seuil des 50 mg/l. Le maximum atteint 76,9 mg/l au milieu des années 90. Depuis, c’est une baisse significative tout en restant au dessus du seuil des 50 mg/l.
Depuis près de 20 ans , la baisse de la concentration en nitrate sur le bassin versant du bas Léon est de 30 %.
Spécificité du bassin versant du bas Léon :
La surface du bassin versant de l’Aber Wrac’h (des sources à l’estuaire) est relativement importante (145 km2). Des actions de reconquête de la qualité de l’eau ont été engagées depuis 1998. L’échelle d’actions est la ZAC (Zone d’Actions Complémentaires) définie par l’administration en 2002.
Le territoire d’action du programme bassin versant est plus restreint, car il ne concerne que 90 km2. Il est constitué principalement d’une zone agricole assez étendue (environ 6 500 ha de SAU) avec une concentration assez forte d’exploitations agricoles (environ 135 sièges) dont beaucoup sont mixtes (atelier lait + atelier porc).
Au niveau du bassin versant de Kermorvan, la courbe des nitrates suit la même tendance que celle des cours d’eau bretons avec des valeurs plus élevées
La prise d’eau de Kermorvan alimente 7 communes littorales du Pays d’Iroise, représentant une population de 19 000 habitants.
La courbe bleue représente l’évolution de la concentration en nitrate, (teneur maximum de 90 % des analyses, en partant de la moyenne mensuelle des analyses). La ligne rouge représente le seuil de 50 mg/l. La courbe verte représente la teneur maximale de 90 % des analyses journalières (chaque année depuis 2006, 365 analyses/an, une analyse par jour)
Pour la prise d’eau de Kermorvan, on part de 32 mg/l (sensiblement le même niveau que la moyenne des cours d’eau bretons) pour finir à 50 mg /l en étant passé par un maximum de 73 mg/l au milieu des années 90.
Depuis près de 20 ans (1995 à 2011), la baisse de la concentration en nitrate pour le bassin versant de Kermorvan a été de 31,5 %. Elle s’est produite surtout sur la décennie (1995/2005). Depuis cette date, on se situe à nouveau autour des 50 mg/l sans percevoir de tendance à la baisse pour le moment.
Spécificité du bassin versant de Kermorvan : la surface du bassin versant de Kermorvan est faible : 13 km2. On est en présence d’un petit bassin versant. Le territoire du bassin versant est constitué principalement d’une zone agricole (1 100 ha) avec une forte concentration d’exploitations agricoles. 38 exploitations ont leurs terres dans le périmètre du bassin versant. Les productions dominantes sont le lait et l’élevage mixte (atelier lait + atelier porc).
Conclusion pour les nitrates :
Pour l’avenir, pour l’ensemble des cours d’eau bretons, on peut raisonnablement espérer que la baisse de la concentration en nitrate en cours va se poursuivre, même si on sait que l’on mettra un certain temps à atteindre le seuil de 25 mg/l défini par la DCE (Directive Cadre sur l’Eau).
Ce résultat a été obtenu grâce à plusieurs facteurs : des programmes d’action d’envergure au niveau de la région Bretagne, le contexte agricole breton qui a beaucoup changé à partir des années 90, des réglementations environnementales pour l’agriculture bretonne, des changements importants des pratiques agronomiques des agriculteurs bretons.
- Des programmes d’action d’envergure ont été mis en place au niveau de la Bretagne : il s’agit de BEP (Bretagne Eau Pure) 1 et 2. La politique de Bassins versants s’est imposée pour la grande majorité des prises d’eau de Bretagne. Les opérations « bassins versants » ont été des programmes d’action locaux, impliquant tous les acteurs du territoire (collectivités locales, agriculteurs, entreprises …) et visant la reconquête de la qualité de l’eau à au niveau de la prise d’eau en rivière. Souvenons-nous ! On est parti au milieu des années 90 avec 37 bassins versants ayant des problèmes de qualité d’eau pour arriver en 2008 à 9 bassins versants contentieux. La procédure «contentieux» s’est éteinte en 2010 au vu des résultats et de la fermeture de quatre d’entre eux.Par ailleurs dans le Finistère, le protocole de protection des captages (eaux souterraines) s’est mis en place en 1993.
Ces programmes ont été des formidables chantiers qui ont impliqué tous les acteurs : Etat, Conseil Régional de Bretagne, Conseils Généraux bretons, Agence de l’Eau, syndicats d’eau, la profession agricole…
- Les changements du contexte agricole breton à partir des années 90, recouvre plusieurs aspects. Sans rentrer dans le détail, il parait important de mettre en avant :
- La nouvelle PAC (Politique Agricole Commune) a instauré un encadrement très strict de la production agricole (les quotas en production laitière, l’instauration de droits à produire …..
- Une baisse importante du nombre d’exploitations agricoles. En 2010, la Bretagne compte 25 900 exploitations agricoles professionnelles. Elle a perdu le 1/3 de ses exploitations entre les deux derniers recensements (2000/2010). Cela représente même la moitié par rapport au recensement précédent (1988). La surface moyenne par exploitation a augmenté (de 33,2 ha à 47, 5 ha).
- Même si les performances individuelles ont été maintenues, le cheptel breton a diminué durant cette phase : - 40 % en volailles depuis 15 ans ; - 10 % en bovins depuis 10 ans ; - 13 % en truies depuis 13 ans (avec un maintien des porcs charcutiers)
- Les réglementations environnementales pour l’agriculture bretonne : sans rentrer dans le détail, on peut citer les plus importantes :
- La réglementation « installations classées » pour les élevages obligeant à prévoir un plan d’épandage (liaison sol/élevage) dès la création ou l’extension d’un élevage.
- la directive nitrate qui s’est appliquée depuis 1994 avec un premier programme d’action en 1996 et une révision des règles en 2001, 2005, 2009 et 2011.
- Les programmes de mise aux normes des élevages (PMPOA Programme de Maitrise des Pollutions d’Origine Agricole 1 et 2) pour éviter les écoulements diffus des déjections animales, et prévoir des capacités de stockage des fumiers et lisiers cohérentes avec les contraintes agronomiques ; ce qui a permis le respect des calendriers d’épandage (respectés à 95%). Au final, en 20 ans, c’est 18 500 élevages qui ont été concernés, soit 94 % des élevages bretons, pour un investissement de 1 milliards d’euros (injecté dans l’économie bretonne) dont 60 % financés par les agriculteurs.
- Le programme de résorption des excédents qui a mis en place les installations de traitements des effluents pour les plus gros élevages. Désormais, 450 stations de traitement (13 % des élevages de porcs bretons) résorbent, chaque année, 37 000 tonnes d’azote.
- Le programme d’action directive nitrate qui a rendu obligatoire le plan de fumure prévisionnel.
- L’obligation de respecter des seuils plafonds d’apport de fertilisants azotés à l’ha: 170 unités d’azote organique par ha, 210 unités d’azote total (organique et minéral) par ha.
- Toute cette réglementation, bien plus importante que dans les autres régions françaises a entrainé beaucoup de contrôles, en particulier pour les agriculteurs situés dans les zones sensibles.
- Les changements importants de pratiques agronomiques par les agriculteurs bretons recouvrent plusieurs points :
- La généralisation de l’implantation des couverts végétaux pour éviter les sols nus l’hiver a permis de réduire le ruissellement, l’érosion des sols et le lessivage de l’azote.
- L’implantation de bandes enherbées (26 000 ha) en bordure des cours d’eau a permis de créer un écran naturel au transfert des produis organiques, des pathogènes et des produits phytosanitaires.
- Les matériels d’épandage des fumiers et lisiers se sont beaucoup améliorés en précision par des nouveaux équipements (enfouisseurs, pendillards….).
- Les pratiques agronomiques (plans de fumure, apports de fertilisants, et produits de traitements) sont désormais enregistrées par tous les agriculteurs bretons depuis 2005.
- De 1998 à 2008, on a constaté une baisse des engrais chimiques azotés de 15 %.
- Tous les acteurs du « para-agricole breton » ont désormais pris en compte l’environnement: les centres de formation agricole (initiale et professionnelle), le réseau de recherche et de conseil aux agriculteurs bretons : Instituts techniques, chambres d’agriculture, coopératives, groupements de producteurs, centres comptables …)
Au niveau de la Bretagne, la courbe des nitrates s’est inversée : après la phase d’augmentation (jusqu’en 1993), on est désormais dans la phase de diminution
