La production laitière est le premier secteur d’activité pour l’agriculture et l’agroalimentaire du Pays de Brest : au niveau de la production, beaucoup de producteurs et d’espace, au niveau de la transformation, beaucoup d’emplois dans des sites industriels connus, Even à Ploudaniel, Triskalia à Landerneau, la Sill à Plouvien, la laiterie Rolland à Plouédern. Depuis 30 ans, le 1er avril 1984, le dispositif des quotas laitiers est en place. Il sera abandonné le 1er avril 2015. Nous nous sommes livrés avec Jacques Jaouen au même exercice qu’avec le sous-directeur de Laïta (mars 2015) : quelles seront les conséquences  de l’abandon des quotas laitiers pour le Pays de Brest ? Jacques Jaouen est producteur de lait à Milizac, en GAEC avec son cousin sur une exploitation laitière ayant un salarié permanent, (une centaine de vaches laitières sur 110 ha). Il est aussi président de la Chambre Régionale d’Agriculture de Bretagne. C’est le point de vue du producteur de lait de base et du représentant de la profession pour la Bretagne qui est présenté.

La fin des quotas : une étape importante pour notre filière laitière

Les atouts de la Bretagne et du Pays de Brest

Avec la fin des quotas, les transformateurs disposeront de plusieurs leviers pour affronter le marché. Comme nous sommes dans un contexte où la demande de lait augmente de manière importante dans des pays émergents ou des pays qui ne pourront jamais produire du lait, les perspectives de développement seront réelles. Les entreprises laitières bretonnes et les producteurs qui contractualiseront avec elles ont beaucoup d’atouts pour affronter le marché mondial. Le premier est les conditions de climat de la Bretagne, un climat tempéré, correctement arrosé qui permet de produire de l’herbe, l’aliment le plus économique pour la vache laitière (l’herbe est la 1ère culture de la Bretagne). La compétence des hommes qui travaillent dans la filière laitière. Nous sommes parmi les meilleurs éleveurs du monde. Les salariés qui travaillent dans les usines ont un savoir-faire basé sur une expérience acquise depuis plusieurs générations. Nous avons un cheptel sain et la traçabilité des produits laitiers est exceptionnelle chez nous. Tout ceci représente une valeur économique qui se paiera. Nous avons une densité d’élevage intéressante à plusieurs niveaux, car elle permet aux éleveurs de se regrouper pour continuer à se former en permanence et aussi de limiter les coûts de ramassage du lait. Dans notre région nous avons conservé une dynamique d’installation , même si les nombre d’installations de jeunes a baissé. De plus par rapport d’autres zones de production laitière, le prix du foncier agricole est correctement maîtrisé chez nous. Nos industriels ont des projets d’investissements,  cela préparera l’avenir et les emplois de demain. Les industriels chinois viennent investir chez nous (le projet de Carhaix). C’est bien le signe tangible de l’intérêt porté à la filière laitière bretonne.

Jusqu’à présent, le prix du lait était relativement stable. Même si on connaissait un cycle du lait  (phases de prix bas au printemps et à l’automne et de prix plus élevé en hiver et en été), on va désormais connaitre des variations de prix brusques à la baisse et à la hausse, liées à des événements qui se passeront quelque part dans le monde, sans qu’on puisse faire quoique ce soit. Face à ce phénomène nouveau pour les producteurs de lait, mais que les producteurs de légumes et de porcs connaissent, il sera indispensable que les producteurs de lait apprennent à gérer leurs  exploitations avec cette réalité. De plus, il est prévu que l’Union Européenne mette en place un dispositif de crise (qui fonctionnera en cas de baisse importante du prix). N’oublions pas que la production laitière est un cycle de production long, il ne faut qu’elle soit complètement déstabilisée par une période prolongée de prix bas. Les américains ont mis en place ce type de dispositif, l’Europe doit faire la même chose. Aujourd’hui, les lignes de crédit sont ouvertes, mais le dispositif n’est pas opérationnel.

Produire et transformer du lait en Bretagne en 2020

Au niveau des Chambres d’Agriculture de Bretagne, nous avons engagé une étude prospective sur la fin des quotas et les perspectives de production de lait à l’horizon 2020. Nous y avons associé tous les acteurs de la filière : les laiteries, les organisations d’élevage, la recherche …..  La filière laitière en Bretagne, c’est une activité économique importante avec 34 620 emplois. Nous produisons actuellement 5 milliards de litre de lait. Nous prévoyons une production de 6 milliards de litre en 2020 dans un scénario de marché porteur, même s’il est volatile, basé sur une croissance forte des exportations vers les pays tiers et avec le maintien du maximum d’exploitations. Certains pays, comme la Nouvelle Zélande, les Etats Unis et même l’Allemagne jouent la carte du « lait low cost » avec des usines à vaches (1000/1500 vaches). Ici, en Bretagne, notre projet joue la carte de la qualité, de la traçabilité et de l’environnement dans des exploitations laitières à taille humaine, même si ce sera de plus en plus des exploitations avec 2, 3, 4 associés et 1 ou 2 salariés. Ce type d’exploitations existe déjà. Il va se développer. Il permettra d’attirer les jeunes candidats à l’installation et les salariés, car les conditions de vie se rapprocheront de celles des autres catégories sociales (week-end et vacances) et les conditions de travail associeront  beaucoup le monde du vivant  (l’animal et le végétal) aux nouvelles technologies (informatique ….) ».

Avril 2015

La fin des quotas laitiers au 31 mars 2015 : quelles conséquences pour le Pays de Brest ?

Le point de vue de Jacques Jaouen, producteur de lait à Milizac
et président de la Chambre Régionale d’Agriculture de Bretagne

Désormais un prix du lait volatile

 

Aujourd'hui

Demain

2013

2020

Production laitière

5 milliards de litres

6 milliards de litres

Exploitations laitières

13 000 exploitations

9 000 exploitations

Emploi dans les exploitations laitières

20 000 chefs d'exploitation
750 salariés

16 000 chefs d'exploitation
1 200 salariés

Productivité

240 000 litres par travailleur

350 000 litres par travailleur

 

 

 

 

 

 

« La fin des quotas, on en parle depuis longtemps et nous y voilà. C’est une décision importante et ce sera une étape déterminante dans l’histoire de la filière laitière, en particulier chez nous en Bretagne où nous produisons près de 25 % du lait français. Nous sommes dans le pelleton de tête du nombre de vaches au km² de l’Union Européenne (plus de 18 vaches au km²). La fin des quotas ne veut pas dire que chacun pourra faire ce qu’il veut. Un nouveau dispositif remplace le système des quotas, il est basé sur un contrat entre le producteur et sa laiterie (coopérative ou privée). Face à chaque laiterie privée, une organisation de producteurs se met en place. C’est par cette organisation que les intérêts des producteurs seront sauvegardés. Cette structure aura un rôle déterminant dans la négociation des contrats entre la laiterie et le producteur. Le nouveau dispositif donnera malgré tout plus de liberté aux acteurs, les laiteries et les producteurs, en permettant à ceux qui ont des projets d’amélioration ou de développement de les mettre en œuvre. Ce sera une bonne chose. Je crois, malgré tout, que nous ne nous sommes pas suffisamment préparés au regard des principaux pays exportateurs de lait dans le monde, au premier rang desquels on trouve la Nouvelle Zélande qui aujourd’hui est en tête devant l’Union européenne, (une réalité méconnue), mais aussi vis-à-vis des pays producteurs de lait de l’Union Européenne, qui, même s’ils font partie de l’Union, sont nos concurrents directs ( en particulier l’Allemagne, 1er producteur de lait de l’UE devant la France).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le projet de la filière laitière bretonne