La production laitière est le premier secteur d’activité pour l’agriculture et l’agroalimentaire du Pays de Brest : au niveau de la production, beaucoup de producteurs et d’espace, au niveau de la transformation, beaucoup d’emplois dans des sites industriels connus, Even à Ploudaniel, Triskalia à Landerneau, la Sill à Plouvien, la laiterie Rolland à Plouédern. Depuis 30 ans, le 1er avril 1984, le dispositif des quotas laitiers est en place. Il sera abandonné le 1er avril 2015. Nous avons demandé son avis à Christian Griner, directeur adjoint de Laïta, dont le siège social est à Brest, (visible de la voie express au niveau de la zone de Kergaradec). Laïta est une entreprise coopérative laitière de l’ouest de la France regroupant Even (siège à Ploudaniel et majoritaire dans le capital de Laïta avec 51%) , Triskalia (siège à Landerneau) et Terrena (siège à Ancenis). Nous lui avons demandé « Quelles seront les conséquences de la fin des quotas laitiers programmée le 30 mars 2015 ? ».

Rappel historique

La sortie des quotas

On ne sortira pas brutalement des quotas le 1er avril 2015, on a commencé à en sortir depuis 6 ans. On vient de vivre une période qui a été appelée « l’atterrissage en douceur ». En effet depuis 6 ans, l’Union européenne a accordé une augmentation de quota de 1 % par an en moyenne. Ainsi pour le groupe Laïta, on est passé de 1,2 milliards de litre en 2010 à 1,42 milliards de litres en 2014, soit une augmentation de 18 %. Cette augmentation de production relativement forte s’est faite sans croissance externe (avec nos producteurs) et dans le cadre du régime des quotas. Une chose est sûre : la fin des quotas, ce ne sera pas « open bar ». Il ne faut jamais oublier que pour faire du lait, il faut des hommes, des terres, des vaches, des bâtiments, du matériel… sans compter qu’un producteur n’a pas besoin d’augmenter systématiquement sa production pour bien vivre. On n’obtient pas du lait en appuyant sur un bouton. Au final, à la sortie des quotas, on se trouve déjà dans une phase de croissance avec un marché assaini, il n’y a plus de stock. Ainsi, même si le dispositif de « l’intervention » (rachat de la poudre de lait par l’U.E. à un prix garanti) est toujours en place, il est aujourd’hui peu utilisé. L’autre caractéristique du marché laitier est que la majeure partie de la production est vendue en proximité. Les laitiers européens vendent principalement en Europe, les laitiers américains aux USA …. Par contre les grands groupes laitiers mondiaux se battent pour le marché des pays émergents (Chine, Brésil…). Ceci a une incidence en chaine sur toute la filière et au final, le prix du lait payé aux producteurs est dicté par ce marché mondial. Ceci est vrai, aussi pour les producteurs du Pays de Brest !

Sur ces deux photos : le circuit du lait sur notre territoire: les vaches, le camion de collecte, l'usine de transformation, le camion des produits laitiers

Dans le nouveau dispositif, la gestion des volumes est transférée aux laiteries. On passe d’une régulation publique du secteur laitier à une régulation privée par la mise en place d’un système de contractualisation. Il n’y aura plus de gestion administrée. L’administration sort du dispositif, mais pas complètement, car la gestion contractuelle est soumise à une réglementation définie par la loi (loi de modernisation agricole).  Le nouveau dispositif est basé sur un contrat entre la laiterie et les producteurs. Ce contrat précise le volume de production et le mécanisme de fixation des prix. Il y aura deux situations : les coopératives et les entreprises privées. Pour les coopératives, Le contrat coopératif (qui existait déjà,) signé par l’adhérent avec sa coopérative est un engagement pour 5 ans. Il vaut contrat pour le lait et il est régi par un règlement intérieur. Pour les entreprises privées, les producteurs ont la possibilité de créer une OP (Organisation de Producteurs). Le contrat se négociera entre la laiterie privée et l’OP représentant les producteurs.

Les nouvelles opportunités

Le nouveau dispositif est un bon outil pour la stratégie des entreprises laitières, grandes ou  petites, coopératives ou privées. Celles-ci pourront désormais adapter le volume de production à leur marché. L’important, malgré tout, est de garder ce qui existe déjà, le marché européen, mais aussi d’aller se battre pour les marchés des pays émergents et des pays qui ne pourront jamais produire du lait du fait de leurs conditions climatiques et ils sont nombreux ! Si on prend en compte cette réalité, on est en phase de croissance. Pour y répondre, il faudra produire plus. Ceci se réglera au travers des contrats avec les producteurs. Parmi ceux-ci, certains veulent se développer pour plusieurs raisons, d’autres non, on n’obligera personne. On va pouvoir bâtir un projet laitier plus solide pour l’avenir. On va se retrouver dans la même dynamique que nos concurrents de l’Europe du Nord (hollandais, irlandais, anglais, allemand, danois …). Au niveau de Laïta et de ses coopératives actionnaires, nous avons défini un nouveau projet laitier coopératif sur lequel  nous avons échangé avec nos adhérents lors de nos assemblées de secteur. Le projet vise une croissance de 15 % sur 3 ans qui entrainera  la conquête  de nouveaux marchés, un développement de production chez les producteurs souhaitant produire plus et des investissements au niveau de nos outils de transformation, comme par exemple, la fromagerie à Poudaniel, les tours de séchage à Landerneau. Pour Laïta, notre vision est que ce développement doit impérativement favoriser nos producteurs et nos unités de transformation. Comme une bonne partie d’entre eux réside sur le Pays de Brest, cela donne des perspectives de croissance pour l’activité de notre territoire et donc une conséquence positive sur l’emploi.

Il y a deux risques : une période de turbulence au printemps 2015 et le phénomène de volatilité des prix. Quand l’Europe, première région du monde à produire du lait sort des quotas, à priori, on peut craindre une explosion de l’offre par rapport à la demande et donc un effondrement des cours. Je ne suis pas certain que ce soit le scénario que l’on va vivre. Par contre on va rentrer dans une période de turbulence liée à la fin des quotas. L’équilibre « offre/demande » a été très bon jusqu’en été 2014. Ensuite le prix du lait a baissé, non pas par une augmentation de l’offre mais principalement par le fait que les chinois ont arrêté d’acheter. Cet hiver, les prix ont remonté, du fait des prévisions de sécheresse en Nouvelle Zélande. Au printemps 2015, on vivra une période d’incertitude et de turbulence liée au niveau d’augmentation de production laitière en Europe. Si l’augmentation est nulle ou faible, « l’atterrissage en douceur » aura bien fonctionné. Si l’augmentation de production est conséquente, on assistera à une baisse de prix. Par contre ce phénomène ne sera que passager, car la demande mondiale augmente et donc le marché se régulera. Ensuite, on n’échappera pas au phénomène de la volatilité des prix. Dans un marché en croissance sur le long terme, on n’évitera pas des incidents de parcours, baisse passagère de la demande ou de l’offre dans tel ou tel pays. Dans un tel contexte, les prix varieront sans cesse.

En conclusion

Laïta, entreprise coopérative laitière de l’Ouest français est issue du regroupement des activités laitières de Even, Terrena et Triskalia. Elle a pour mission de valoriser durablement le lait des 3750 exploitations laitières adhérentes.
Les 2420 salariés de Laïta œuvrent au quotidien pour la satisfaction des clients répartis dans plus de 110  pays.

Mars 2015

La fin des quotas laitiers au 31 mars 2015 : quelles conséquences pour le Pays de Brest ?
Le point de vue du directeur adjoint de Laïta

Un contrat au cœur du nouveau dispositif

La fin des quotas donne plus de liberté aux laiteries, mais aussi plus de responsabilité. Il faudra gérer au mieux les risques et saisir les opportunités qu’offre le nouveau dispositif. Au niveau de Laïta, c’est ce que nous ferons en visant des retombées positives pour notre territoire, puisque la mission d’une coopérative est de développer les territoires où vivent ses adhérents et ses salariés !  

Les chiffres-clés de LAÏTA

 

 

 

 

 

 

« Le dispositif des quotas laitiers a été mis en place au niveau de l’Europe le 1er avril 1984 pour régler un problème crucial à l’époque : les excédents laitiers et le coût exorbitant des stocks laitiers. Les chiffres sont éloquents. Entre 1970 et 1983, la production laitière a augmenté de 72% en Bretagne, de 22 % en France. Ce phénomène était général dans tous les pays européens producteurs de lait : Pays Bas, Allemagne, Angleterre … les stocks laitiers coûtaient 7 000 francs/minute au budget européen. Il était nécessaire de faire quelque chose. C’est le système des quotas laitiers qui a été mis en place, à savoir un système administré qui donnait un quota par exploitation basé au départ sur une référence historique et qui a évolué en fonction de règles mises en place par l’administration au niveau de chaque pays et géré au niveau de chaque département. Pendant 30 ans, ce système a fonctionné. Il a eu des conséquences positives et négatives. Du côté « plus », tout d’abord, il a réglé la question des stocks. Aujourd’hui, il n’y en a plus. Il a évité la catastrophe laitière en France et en Bretagne, car la façon de gérer les quotas laitiers a été relativement protectrice. La conséquence c’est que les producteurs de lait sont restés relativement nombreux. Du côté « moins », le système a éloigné les producteurs et leurs entreprises de la réalité des marchés. Par rapport à d’autres pays producteurs de lait comme les USA, la Nouvelle Zélande …, on a pris du retard pour s’adapter aux réalités du marché mondial.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les risques