Après avoir présenté les données de base de l’agriculture et de l’agro-alimentaire (rubrique actualités de décembre 2013), nous voulons approfondir chacun de ces secteurs pour le Pays de Brest. Nous commençons par l’agriculture. Il est important de remémorer les grandes étapes de son histoire sur notre territoire pour comprendre la situation actuelle de l’agriculture et aussi pour savoir si elle est armée face aux enjeux de l’avenir

L’immédiat après-guerre marqué par une agriculture nombreuse occupant la majeure partie du territoire

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Dans les années 50, le Pays de Brest compte beaucoup de fermes traditionnelles (plusieurs dizaines de milliers, nous n’avons pas de statistiques fiables sur leur nombre) réparties sur tout le territoire. A l’époque, la SAU (Surface Agricole Utile) est de 150 000 ha, soit près de 90 % du territoire. L’agriculture est l’activité économique principale par les emplois qu’elle génère et par le fait qu’elle occupe presque tout le territoire et contribue à son entretien. A la base, il y a une ferme traditionnelle tenue par une famille nombreuse, car il y a beaucoup d’enfants et plusieurs générations vivent sous le même toit. Chaque ferme compte quelques parcelles, quelques vaches, quelques porcs, une basse cour….  C’est une agriculture de subsistance qui produit de tout (du lait, du beurre, des pommes de terre, du porc, de la volaille, des œufs, des bovins ….) pour nourrir la famille. La culture de la pomme de terre (sélection et consommation) est présente dans presque toutes les fermes, apportant une grosse rentrée d’argent annuelle. Les gens mangent à leur faim, mais vivent dans des conditions rudimentaires et se déplacent peu. L’excédent de production de la ferme est vendu localement : sur la ville de Brest ou sur les grands marchés réputés du territoire (Saint Renan, Lesneven, Landerneau…..). C’est une agriculture polyvalente (produisant de tout), peu productive, utilisant très peu d’engrais chimique et de produits phytosanitaires. Elle est peu mécanisée. Sur chaque ferme, ce sont principalement les chevaux qui font tous les travaux des champs. Les premiers tracteurs de faible puissance (20 cv) font leur apparition, financés par le plan Marshall.

Janvier 2014

Coup de projecteur sur l’agriculture du Pays de Brest

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

les travvaux des champs sont faits avec des chevaux

l'étable est un bâtiment fermé, sombre pour quelques vaches

La moisson est peu mécanisée et demande beaucoup de main d'oeuvre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

les exploitations laitières se sont équipées en salle de traite

la case de maternité est équipée d'un sol en caillebotis et d'une cage pour éviter les écrasemets de porcelets

La production de tomate sous serre s'est beaucoup développée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

94 % des élevages ont réalisé la mise aux normes

L'épandage des déjections se réalise au moment où les plantes en ont besoin, avec beaucoup de précision grâce au matériel

Les salariés de la production agricole du Pays de Brest par spécialisation

Le nombre de salariés de la production agricole est désormais plus important que le nombre d'exploitants

 

L’agriculture du Pays de Brest d’aujourd’hui est le fruit de cette histoire. Par beaucoup de côté, elle a des atouts, mais elle présente aussi des faiblesses qu’il ne faut pas sous-estimer. Quand on la compare à d’autres régions, elle se présente comme une agriculture nombreuse, dynamique, moderne, professionnelle, respectueuse de l’environnement et diversifiée. L’agriculture du Pays de Brest reste encore nombreuse aujourd’hui pour plusieurs raisons. Tout d’abord, on part d’une situation de départ, après la guerre où il y avait beaucoup de monde. De plus les systèmes de production mis en place (lait, porc, légumes) emploient beaucoup plus de main d’œuvre que le système céréalier (bassin parisien) ou l’élevage extensif de viande (Massif Central). La caractéristique de l’agriculteur du Pays de Brest est d’être dynamique. De tout temps, il a innové, investi et s’est engagé dans des nouveaux projets, y compris dans l’environnement dans les deux dernières décades. La majeure partie des exploitations agricoles du Pays de Brest sont des exploitations modernes. Dans chaque production, les techniques modernes sont utilisées. L’informatique est désormais un outil couramment utilisé par chaque agriculteur. C’est aussi une agriculture très professionnelle. Les techniques de production sont de plus en plus sophistiquées. Il n’y a plus de place à l’amateurisme. Pour les agriculteurs, la formation continue ainsi que la connaissance des dernières nouveautés technologiques devient une composante du métier. Par ailleurs, l’agriculture du Pays de Brest respecte l’environnement : 95 % des élevages se sont mis aux normes. On compte près de 120 stations de traitement d’effluents d’élevage (porc et volaille). Pour finir la liste des atouts, on est en présence d’une agriculture diversifiée. A côté des grandes productions de masse, le lait, le porc, la tomate dont la majeure partie de la production est exportée vers d’autres pays européens, voire dans le monde, on  a vu apparaitre au cours de la dernière décade une agriculture de diversification comprenant l’agriculture biologique et les circuits courts (vente directe). Toutefois ce type d’agriculture reste marginal, car il ne représente que 10 % de l’agriculture du Pays de Brest (dernier recensement agricole de 2010).
A côté de ces atouts, l’agriculture du Pays de Brest présente aussi quelques faiblesses qu’il ne faut pas sous-estimer. Elle est peu attractive, mal considérée, avec des handicaps vis à vis des concurrents. Aujourd’hui l’agriculture du Pays de Brest manque de bras. Chaque année, il y a des offres d’emploi non pourvues dans ce secteur, ce qui est un comble en période de chômage. Cet état de fait est lié à une mauvaise image de l’agriculture dans le reste de la société, même si de gros efforts sont faits pour redorer le blason. Cette difficulté à trouver de la main d’œuvre pourrait avoir à terme des effets sur le potentiel de production agricole du territoire. L’agriculture est aussi mal considérée. Ceci se manifeste par les réactions négatives parfois du voisinage vis à vis des projets agricoles, que ce soit pour les dossiers installations classées ou vis à vis de nouveaux projets. Mais c’est surtout quand on compare la situation des concurrents situés dans des pays étrangers (producteurs de lait de porc, de tomate) que la liste des handicaps apparait importante : un coût de main d’œuvre plus élevé, des contraintes environnementales plus fortes, des procédures administratives compliquées ….. Ceci peut avoir des conséquences non négligeables sur les marchés futurs et par ricochet sur la production et donc les emplois dans l’agriculture bien sûr, mais aussi dans l’agro alimentaire, c’est ce qui vient de se passer dans les secteurs du porc et de la volaille.
L’avenir de l’agriculture du Pays de Brest va se jouer dans sa capacité à valoriser ses atouts et à surmonter ses faiblesses.

Les chiffres clés de l'agriculture de votre commune (dernier recensement de l'agriculture de 2010)

 

 

 

 

 

 

 

 

A partir des années 90, la fin de la croissance avec la prise en compte de nouvelles donnes

 

 

Cette croissance de l’agriculture a entrainé une augmentation conséquente de toutes les productions agricoles, avec un mécanisme de soutien des prix pour les productions de base (les céréales et le lait) mis en œuvre au niveau de la communauté européenne. Progressivement la production a dépassé la consommation et des stocks sont apparus au niveau européen. Des mesures pour limiter la production ont été mises en place. La première production concernée a été le lait, ce qui a conduit à la mise en place des quotas laitiers en 1984. A partir de cette date, la production laitière globale a été gelée. Un système administré assez complexe a été mis en place, liant la production de lait aux surfaces produisant du lait en 1983. C’est le dispositif encore en vigueur aujourd’hui. Il y sera mis fin en 2015. Par ailleurs, au même moment, les reproches vis-à-vis du système agricole productiviste breton, avancés par les associations environnementales trouvent de plus en plus d’écho auprès du grand public et dans la presse régionale et nationale. L’élevage « hors sol » (le porc et la volaille) est la cible principale, car ces élevages produisent des déjections qui se trouvent en excédent par rapport aux capacités d’épandage des surfaces agricoles. A partir des années 90, des dispositifs réglementaires à caractère environnemental se mettent en place au niveau de la région Bretagne. Sans rentrer dans le détail, voici la liste :

Toutes ces réglementations non seulement ont bloqué la croissance de la production de porcs et de volaille dans la région, mais ont provoqué une baisse de ces productions. En effet des normes ont été imposées pour lier ces élevages à des surfaces épandables. Au-delà d’un certain seuil, les éleveurs ont eu l’obligation de s’équiper en système de traitement des déjections. Malheureusement ces investissements imposés par la loi se sont faits au détriment d’investissements productifs que les éleveurs concurrents des autres bassins de production européens réalisaient dans le même temps. Malgré tout, les mesures réglementaires et les actions volontaires des agriculteurs vis-à-vis de l’environnement donnent des résultats qui peuvent être mesurés par la diminution des taux de nitrate, de phytosanitaire dans les rivières de notre territoire à partir des années 2000. Durant cette période,  deux autres faits méritent d’être soulignés. La réduction du foncier agricole se poursuit à un rythme particulièrement soutenu sur le Pays de Brest (1 000 ha/an) pour atteindre une SAU de 91 600 ha en 2010. En 60 ans, 36 % de l’espace agricole a changé de destination. Du côté des hommes et des femmes qui vivent de l’agriculture, il y a aussi beaucoup de changement. Ils sont de moins en moins nombreux. Le nombre d’exploitations sur le Pays de Brest passe de 7 780 en 1980 à 3 040 en 2010, soit une baisse de 60 %. Ils sont mieux formés. Depuis les années 80, il faut un diplôme de niveau bac pour s’installer. L’exploitation collective (GAEC Groupement Agricole d’Exploitations en Commun, société : EARL, SCEA…) remplace progressivement l’exploitation individuelle qui devient minoritaire, car de plus en plus apparait la volonté de vivre comme les autres catégories sociales. Sur les exploitations, la main d’œuvre salariée remplace la main d’œuvre familiale : beaucoup de conjointes d’exploitants travaillent à l’extérieur et les aides familiaux se réduisent considérablement. Une convention collective et un comité d’entreprise pour les salariés de la production agricole se mettent progressivement en place. Des nouvelles structures collectives apparaissent et se développent : les CUMA (Coopérative d’Utilisation du Matériel Agricole) pour s’équiper à plusieurs de différents matériels, les services de  remplacement pour être remplacés en cas de maladie, accident et même pour les congés. Durant cette période, l’agriculture devient un secteur d’activité comme un autre, qui doit prendre en compte plusieurs données : le marché qui devient de plus en plus mondial, les réglementations sociales qui se complexifient, et l’environnement qui devient incontournable

 

 

Le développement de l’agriculture durant les trente glorieuses

Au fil des années, les choses vont évoluer. Les changements vont être beaucoup initiés par les jeunes qui vivent dans ce milieu marqué par le poids des traditions et un certain conservatisme. Regroupés au sein de la JAC (Jeunesse Agricole Catholique), ils vont militer pour le changement et ceci à tous les niveaux. Ils vont revendiquer la fin de la cohabitation de plusieurs générations sous le même toit. Ils chercheront à vivre dans les mêmes conditions que les gens de la ville, favorisant l’arrivée du confort ménager dans les fermes. Ils seront des adeptes du progrès technique et seront les éléments moteurs au sein des groupes de vulgarisation agricole mis en place par la Chambre d’Agriculture. Ils prendront des responsabilités dans le syndicalisme agricole, les coopératives, les organismes mutualistes et les banques coopératives. Au fil du temps, la ferme traditionnelle polyvalente va se transformer en devenant une exploitation agricole qui se spécialise dans une production principale. Cette évolution sera rendue possible par l’adoption de nouvelles techniques de production. Les rendements en céréales passent de 30 qx/ha à 60 qx/ha. L’arrivée du maïs en 1968 bouleverse les systèmes fourragers, car ce fourrage remplace les betteraves et le foin qui étaient la base de l’alimentation des bovins pendant l’hiver. La production laitière décolle en passant de 2000 l par vache à près de 6 000 l par vache. Des ateliers de porcs et de volailles se mettent en place, en « hors sol », car l’aliment pour ces animaux est acheté. La productivité augmente fortement en porc : une truie arrive à produire entre 20 et 25 porcs par an. Pour le maraichage, au départ localisé dans la ceinture verte de la ville de Brest (Guipavas, Le Relecq Kerhuon, Plougastel Daoulas) et tout le long de la côte de Brest à St Pol de Léon, on passe progressivement des légumes de plein champ aux légumes sous serre, avec un développement important de la tomate. Cette augmentation de production est rendue possible par différents facteurs : la génétique (des races animales et des espèces végétales plus productives), le recours aux engrais chimiques et aux produits phytosanitaires, le développement de la mécanisation (les tracteurs dont la puissance augmente progressivement remplacent les chevaux, des bâtiments et des équipements d’élevage adaptés, des serres de plus en plus sophistiquées). On parle de révolution verte, même si l’environnement n’a pas été pris en compte, tant les changements sont importants et ceci à tous les niveaux. Tout ce mouvement s’inscrit dans les politiques agricoles de l’époque définies  au niveau français et européen. L’objectif est d’augmenter les productions agricoles pour nourrir les gens des villes qui sont de plus en plus nombreux : 66 millions d’habitants en France aujourd’hui contre 41 millions en 1950. Les produits agricoles du Pays de Brest sont de plus en plus commercialisés hors du territoire, notamment sur le marché français, voire européen.

 

 

 

 

 

 

 

Trois spécialisations, le lait, le porc, les légumes, représentent 90 % des agriculteurs du Pays de Brest

Les conditions de climat du Léon sont très favorables à la production laitière

La production porcine est présente sur le plateau léonard et sur le canton de Ploudiry

Position de PREVER


L’association PREVER estime que l’agriculture du Pays de Brest telle qu’elle est, représente un gros atout pour l’économie de notre territoire. Son histoire montre qu’elle a sans cesse évolué et qu’elle a su répondre à différents défis au cours du temps : produire pour nourrir la population, agir pour préserver l’environnement, créer des emplois …. Il parait important que les décideurs politiques aient conscience des différentes contributions de l’agriculture pour le Pays de Brest : contributions alimentaire, économique, environnementale, sociale ……PREVER considère que cette capacité à innover et à s’adapter sans cesse est le meilleur gage pour la réussite de l’agriculture dans l’avenir. Par ailleurs, il nous parait évident que la profession agricole mérite le respect et la reconnaissance pour le parcours réalisé depuis la fin de la guerre.  C’est un message qui s’adresse aux habitants du Pays de Brest, les voisins des agriculteurs qui ne se rendent pas forcément compte du chemin parcouru ! D'où la nécessité de créer des lieux de rencontre entre le monde agricole et la société.

Atouts et faiblesses de l’agriculture du Pays de Brest d’aujourd’hui