Comment se fait l’exportation des effluents organiques hors de Bretagne ? Telle a été la question que nous avons voulu approfondir en rencontrant l’un des transporteurs bretons qui s’est spécialisé dans cette activité. Cette question est importante, car pour abaisser la pression azotée existant en Bretagne du fait de la concentration des élevages sur un territoire restreint, un plan de résorption a été mis en place en fin des années 90. L’exportation de matière organique hors de Bretagne était l’une des mesures. L’objectif fixé est-il atteint ? Comment se réalise ce transfert ? Telles sont les questions auxquelles nous avons voulu avoir les réponses

En 2000, 110 000 tonnes d'azote en excédent

Le témoignage d’un transporteur qui s’est spécialisé dans le transfert d’engrais organique

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En début des années 2000, l’excédent d’azote en Bretagne était de 110 000 tonnes par an. L’objectif du programme de résorption était d’abattre ces 110 000 tonnes, 80 000 tonnes d’origine animale, 30 000 tonnes d’origine minérale (engrais chimique).
Le programme est résumé dans le tableau suivant :

 

Objectif de résorption
Tonne/an

Méthodes de résorption

Elevage porcin

40 000

Traitement du lisier de porc

Elevage de volailles

15 000

Incinération de fumier de volailles

Elevage de volailles

15 000

Exportation des effluents solides

Elevage bovin

10 000

Augmentation des surfaces épandables

Engrais chimique

30 000

Charte des prescripteurs

Ce programme s’appliquait dans les 90 cantons classés en ZES (Zone d’excédent Structurel), ce sont les cantons où la quantité totale d’azote produite par le cheptel est supérieure à 170 kg d’azote par ha épandable et par an. Pratiquement tout le Pays de Brest était classé en ZES. La ligne directrice de ce programme était la suivante : en traitant le lisier de porcs (des plus grands élevages), en incinérant les fumiers de volaille et en exportant les effluents solides (fumiers de volaille, composts, résidus solides issus du traitement de lisier de porc) on libère beaucoup de surfaces des plans d’épandages des élevages de porcs et de volaille au profit des élevages de bovins. En procédant ainsi, on diminuait la pression azotée d’origine organique. Par ailleurs, un engagement des vendeurs d’engrais chimiques de respecter les principes de la fertilisation raisonnée devait conduire à la réduction des excédents d’azote d’origine chimique. Au final, la baisse de la pression azotée dans notre région était basée, avant tout, sur le succès de l’exportation des effluents organiques hors de Bretagne. Où en est-on en 2013 ? Treize ans après l’adoption de ce programme.

juillet/aout/septembre2013

L’exportation des effluents organiques hors de Bretagne, désormais une réalité !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Compost de fumier de volaille

Résidu solide de lisier de porc

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

la vidange d'un camion "fond mouvant" se fait sans benner

Un camion "fond mouvant" se vide en un quart d'heure

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le transport se fait désormais par camion porteur avec remorque qui bennent

Le camion est équipé d'une bache pour le transport des céréales

 

 

 

 

 

 

 

Le « fer/route » sera la formule d’avenir

 

« L’avenir sera la formule « fer/route ». Nous avons investi dans deux plateformes ferroviaires : une à Guingamp (dans les Côtes d’Armor) et une à Vierzon (département du Cher). Le transport Bretagne/autres régions se fera par rail. Nous mettrons des caisses sur les wagons. L’approvisionnement et la livraison se feront par camion. C’est ainsi que nous aurons le meilleur bilan carbone et que nous économiserons sur l’écotaxe! »

 

 

La solution par des innovations

Hervé Lemée, pdg de l’entreprise Lemée, http://www.lemee-sarl.fr/, située à Aucaleuc, près de Dinan (Côtes d’Armor) nous a fait part de son expérience. « Depuis une quinzaine d’années, cette activité du transfert d’engrais organique hors de Bretagne a transformé complètement notre entreprise familiale de transport. Au départ, nous faisions le transport de produits du sol et de l’aliment du bétail localement. Progressivement, nous avons commencé à transporter des céréales en provenance des régions céréalières, car nous avions de la demande de la part des éleveurs bretons qui étaient à la recherche de céréales pour l’alimentation des animaux. De fil en aiguille, vers les années 96/97, du fait de la mise en place des réglementations environnementales pour les élevages bretons, nous avons eu des demandes pour exporter au départ du fumier de volailles vers les régions céréalières et ensuite d’autres engrais organiques en plus. Ceci nous a conduits à acheter des camions à fond mouvant, les camions à benne étant trop dangereux lors de l’opération de vidange en bout de champ (risque de renversement). En fin des années 90, notre parc matériel a atteint 43 camions à fond mouvant. Ceux-ci étaient assez performants, car un camion se vidait en un quart d’heure. Nous avons équipé chaque camion d’un appareil de lavage. Pour nous, transporteur, très vite une idée est apparue : faire l’aller/retour Bretagne/ régions céréalières avec le même camion ; à l’aller avec des engrais organiques et au retour avec des céréales. Cette idée qui parait simple à priori a été difficile à mettre en place, car les deux produits sont très différents : L’un est un aliment, l’autre un déchet. Les exigences sont très différentes : les céréales doivent être propres et indemnes de toutes impuretés et de germes et l’engrais organique est sale et contient des germes. Très vite il est apparu que la solution du transport avec des camions à fond mouvant, même en les lavant minutieusement, n’était pas adaptée, surtout si l’on voulait prendre en compte le cahier des charges mis en place par les fabricants d’aliment du bétail ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au niveau de la région Bretagne, 19 opérateurs  transfèrent  les effluents

 

« Notre obsession permanente est devenue l’absence de contamination des céréales par les poussières d’engrais organiques restant dans les recoins de nos camions. Même si le lavage, après chaque vidange, était systématique et minutieux, nous avons estimé que le risque de contamination était trop élevé pour poursuivre dans cette voie. Nous avons recherché une nouvelle solution technique qui permet de garantir l’absence de contamination. Nous avons eu l’idée de rajouter un sac pour le transport des céréales. Dès lors, nous avons opté pour un nouveau type de camion : le camion porteur avec remorque qui bennent. Après le transport d’engrais organique, le camion est systématiquement lavé avec beaucoup de minutie. Puis on déroule un sac dans lequel les céréales sont déversées. Nous avons déposé un brevet pour ce procédé et nous avons obtenu le prix de l’innovation au SPACE 2012. Par ailleurs, nous avons équipé tous nos camions d’appareils de géo localisation. Ainsi, nous pouvons garantir la traçabilité de nos produits, y compris la localisation des parcelles sur lesquelles les engrais organiques sont épandus ».
Lien avec l’animation présentant un aller/retour : http://www.lemee-sarl.fr/notre-savoir-faire.php

En plus du témoignage de ce transporteur, nous avons eu le point de vue de la DREAL (Direction  Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) de Bretagne. Cette administration en charge du suivi des transferts d’effluents a réalisé une enquête en 2011 (sur la base des flux de 2010) en collaboration avec l’Agence de l’Eau. Aujourd’hui, en Bretagne, il y a 19 opérateurs qui réalisent les transferts des effluents. Ils n’ont pas tous le même volume d’activité : quatre opérateurs réalisent 70 % des enlèvements. En 2010, il y a eu près de 377 000 tonnes d’effluents enlevés dans les élevages bretons, dont les trois quart proviennent d’élevages de volaille et un quart des stations de traitements de lisier de porc. Ceci représente près de 11 000 tonnes d’azote, soit 75 % de l’objectif  de résorption. La majeure partie des tonnages (72 %) a été livrée à d’autres agriculteurs dont la plus forte proportion (67 %) est hors ZES. Le reste est orienté vers les jardineries (10 %) ou les unités de transformation (17 %). Ces quelques repères montrent que le transfert des effluents organiques est désormais une réalité en Bretagne, ce qui explique la baisse de la pression azotée et l’amélioration de la qualité de l’eau dans la Région.