L’association « Agriculteurs de Bretagne » a vu le jour en 2012. C’est une association regroupant des agriculteurs adhérents à titre individuel et 45 Organisations Professionnelles Agricoles représentant 30 000 agriculteurs au niveau de la Bretagne. Elle s’est donnée comme objectif de communiquer positivement sur l’agriculture. La première assemblée générale qui s’est tenue le 19 mars 2013 à Saint Brieuc a été un succès, car 300 personnes y ont participé. Cette assemblée a été marquée par l’intervention d’Erik Orsenna, académicien, écrivain bien connu, breton de surcroit et qui a démontré qu’il connaissait bien les problèmes agricoles actuels et en particulier ceux des agriculteurs bretons.

1 Produire

Ceci est particulièrement vrai en Bretagne, car dans notre région, à cause du socle de granit avec un peu de terre dessus, quand on agresse la nature, cela se voit tout de suite. Les agriculteurs bretons sont obligés d’être intelligents pour respecter la nature. « Je me marre quand je vois des citadins donner des leçons de nature à des agriculteurs qui vivent à son contact en permanence ». Par contre, cette exigence oblige à respecter les autres et donc à les écouter. Ce n’est pas toujours avec ses amis et ses confrères que l’on avance. De mon point de vue, il y a une association qui est sérieuse, car elle présente des dossiers argumentés, c’est « Eau et Rivières de Bretagne ». Il faut essayer de vous rendre audible. Même quand on a raison, on peut ne pas être audible. Il faut se dire « Et s’ils avaient raison !». Pour cela, il faut écouter et respecter.

En France, on est prisonnier d’une pensée : « ce qui marche à un moment donné va durer toujours ». Hors, c’est faux. Depuis la dernière guerre, l’agriculture bretonne a connu une évolution phénoménale, ce n’est pas le cas de l’industrie française. Cette évolution pousse à l’intelligence. Tout ce qui a une forme à un moment donné est appelé à disparaitre et à prendre une autre forme. Dans ce contexte d’évolution permanente, marquée par l’incertitude, les agriculteurs bretons qui ont su évoluer et ils l’ont prouvé, ont du, en plus, faire face à des modifications réglementaires incessantes. Cela, c’est insupportable !

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Le point de vue de l’association PREVER:

Vis-à-vis de l’association « agriculteurs de Bretagne ».
L’association PREVER se réjouit de la création de l’association « agriculteurs de Bretagne », avec laquelle des collaborations vont s’établir pour la valorisation de l’agriculture, une des composantes majeures du milieu rural.

Vis-à-vis de l’intervention d’Erik Orsenna.
Nous partageons sa vision de l’agriculture. Il nous apparait intéressant qu’une personne de sa qualité et de son intelligence apporte cette contribution tant vis-à-vis des agriculteurs, car sur certains points, il reste encore un peu de chemin à faire, que vis-à-vis de la société qui ne prend pas suffisamment en compte la complexité et les multiples facettes du métier d’agriculteur.

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 L’agriculteur est un producteur. Cela n’a rien de déshonorant. Dans la société actuelle, il y a beaucoup de gens qui se méfient,  dès qu’on parle de production. C’est un tort ! Pour l’agriculture, on parle même d’agro-business. Il faut l’assumer, car cela a généré des progrès à tous les niveaux. Pour la Bretagne, souvenons-nous, en 1950, on était au moyen âge : la terre battue, pas d’eau courante, pas d’électricité, les toilettes au fond du jardin. Depuis lors, quel progrès dans le niveau de vie et ceci grâce au développement de l’agriculture qui a permis d’améliorer les revenus des agriculteurs et de générer des emplois dans l’agro-alimentaire. L’agriculture est l’un des piliers du développement de la Bretagne. Pour la France aujourd’hui, les produits agricoles, avec le luxe et le tourisme sont les produits qui contribuent à la balance commerciale du pays. On ne peut pas en dire autant de l’industrie. S’il n’y avait pas l’euro, imaginez ce que serait la dégradation de la monnaie ! Pour la planète aussi, exporter des produits agricoles,  c’est échanger, c’est participer au développement dans d’autres pays du monde. En plus cela contribue au challenge de nourrir 9 milliards d’habitants. Une idée très répandue circule : Avant c’était mieux. Non ce n’est pas vrai, c’est une idée fausse. Je ne comprends pas ceux qui parlent de croissance zéro !

Mars 2013

1ère assemblée générale de l’association « Agriculteurs de Bretagne », l’académicien Erik Orsenna présente les facettes du métier d’agriculteur d’aujourd’hui.

 

 http://www.agriculteurs-de-bretagne.fr/

 

 

 

 

 

En introduction, Erik Orsenna annonce « qu’il est heureux d’être là. C’est un honneur pour moi, à double titre, parce que je suis breton d’adoption et que je suis passionné par les problématiques des matières premières principalement agricoles (le papier, le coton, l’eau…). L’agriculture, c’est dix métiers à la fois : le climat, le sol, la plante, les animaux, l’économie, la gestion, l’énergie, la mécanique, l’informatique, la télématique, …. et c’est cette transversalité qui est passionnante. C’est un métier où il faut mettre en œuvre une multiplicité de savoirs.» Après quelques anecdotes très croustillantes sur ses rapports avec les présidents de la république (Chirac en particulier), il développe sa vision du métier d’agriculteurs en sept points.

 

 

 

2 Respecter l’environnement

 

 

 

 

 

 

3 Evoluer

 

 

 

 

 

4 Savoir

 

Au fil du temps, il faut maîtriser de plus en plus de sciences et pour cela, le rôle de la recherche est fondamental. Il ne faut pas en avoir peur. Un mot sur les OGM et le gaz de schiste. C’est incompréhensible de ne pas développer la recherche sur des sujets comme cela. Les interdire au nom du principe de précaution est un non sens. Il faut savoir prendre des risques. Une petite anecdote sur le principe de précaution : lequel d’entre nous aurait choisi son conjoint s’il avait mis en avant le principe de précaution. Dans la vie personnelle, on prend des risques, pour la recherche, il faut en prendre. Si Pasteur vivait aujourd’hui, à cause du principe de précaution, il n’aurait pas mis en œuvre ses travaux de recherche et il n’aurait rien trouvé. Sur les grands sujets comme les OGM, le gaz de schiste, il y a un préalable, il faut savoir. Ensuite on décide. Aujourd’hui, en agriculture, la recherche montre qu’on peut rendre la nature plus intensive et plus productive. C’est le concept de l’agriculture écologiquement intensive de Michel Griffon dont j’ai préfacé le livre. En agriculture comme dans les autres secteurs, il faut sans cesse avancer dans la recherche et le savoir, c’est la seule manière de s’en sortir.

 

5 la diversification
L’agriculture est très diversifiée, non seulement dans ses productions (le lait, le porc, la volaille,…), mais aussi dans ses manières de produire. Ceci amène la spécialisation. Dans la communication sur le métier d’agriculteur, c’est une grande difficulté. Les médias aiment la simplification. Hors la diversité est une richesse qu’il faut savoir communiquer.

Les agriculteurs ne sont pas unis. Quand on parle d’eux, c’est toujours pour mettre en avant leur différence. C’est une grande faiblesse. Il existe pourtant des expériences réussies de démarche concertée entre producteurs et entreprises. Je veux n’en citer qu’une : celle de l’UNILET qui regroupe au sein d’une même structure, les groupements de producteurs et les transformateurs de légumes de conserves et surgelés. Ce type d’organisation en filière existe, mais il faut aller au-delà. Méditons le succès actuel de l’Allemagne à l’exportation. Quand les allemands débarquent dans un pays, ils y vont en meute : les grands groupes bien sûr, mais aussi les moyennes entreprises et les petites. « Agriculteurs de Bretagne » a un gros challenge à relever : devenir le lieu de rassemblement de tous les agriculteurs bretons dans leur diversité. C’est déjà commencé, c’est un gros chantier qui s’ouvre. Je conseille de jouer la carte « Bretagne ».

7 faire savoir
6 Rassembler

Le faire-savoir se joue à deux niveaux. Tout d’abord en interne entre les agriculteurs eux-mêmes, il me paraitrait important de diffuser une banque de données de bonnes pratiques agricoles qui produisent en respectant l’environnement. Ensuite, vis-à-vis de l’extérieur, il faut expliquer en étant audible. Ce n’est pas facile, car on est dans un contexte marqué par des affaires (l’exemple de la viande cheval dans les plats cuisinés). Les médias recherchent le sensationnel. Personnellement, j’ai vécu  une expérience malheureuse avec la télévision. Un projet de documentaire en accompagnement d’un de mes livres n’a pu aboutir car il n’y avait ni bouc émissaire ni annonce d’une crise mondiale majeure sur le sujet. Pour être audible, il faut donner la parole aux agriculteurs en racontant une histoire : « il était une fois … ». C’est un travail permanent qui doit prolonger la semaine du salon de l’agriculture où la France vit au rythme de l’agriculture pendant une semaine, c’est bien, mais cela doit être permanent. C’est à ce prix que vous obtiendrez la reconnaissance de la société.