Le plan local « algues vertes » pour la baie de Guissény a été validé par le comité de suivi régional "algues vertes". C'est l'étape déterminante avant la signature officielle qui suivra assez rapidement. C’est le principal bassin versant « algues vertes » du Pays de Brest. Il est l’un des huit, composant le plan gouvernemental de luttes contre les algues vertes  de Bretagne annoncé en février 2010. Michel Tanné a choisi de s'engager et a joué un rôle déterminant en tant que représentant des agriculteurs du bassin versant dans la commission « algues vertes » mise en place au niveau du bassin versant du Quillimadec. Nous l’avons interrogé sur le sujet.

Michel Tanné co-président du bassin versant du Quillimadec

Michel Tanné, représentant des agriculteurs depuis 1998

Un territoire principalement agricole

Le plan d’action s’applique à un territoire situé au nord du Pays de Brest, une zone assez étroite partant de Plounéventer allant jusqu’à Guissény et traversant 16 communes. Cela représente une surface totale de 9850 ha, dont 66% (6500 ha) est occupée par l’agriculture. Le plan concerne 235 exploitations agricoles (ayant au moins 3 ha dans le bassin versant). Dans le sud du bassin versant, on trouve principalement des exploitations laitières et porcines, voire mixtes (lait + porcs). En zone côtière, ce sont des exploitations spécialisées en légumes et polyvalentes (légume + élevage). On est en présence d’une agriculture assez intensive. La caractéristique principale, c’est la diversité des systèmes de production de ce territoire. Ce sera tout l’enjeu et la difficulté de ce plan.

Une certaine vision des algues vertes

Les algues vertes existent dans la baie de Guissény depuis 1960. En 1974, une digue a été construite, tendant à concentrer encore plus les algues vertes et donc à les rendre plus visibles. Pour moi, les algues vertes, c’est un problème d’images. Les associations écologistes, bien relayée par les médias, ont réussi à faire passer des idées simples, mais qui s’avèrent fausses.  1ère idée : « On trouve partout des algues vertes en Bretagne ». Or c’est faux, car il n’y a que 5% des plages bretonnes qui sont couvertes par  les algues vertes, et ceci uniquement à certains moments de l’année. 2ème idée : « les algues vertes sont dues aux nitrates produites par l’agriculture intensive bretonne voire par la production porcine bretonne ». Ceci est faux aussi, car il y a non pas un facteur, les nitrates, qui  influent sur l’augmentation des algues vertes, mais cinq facteurs : 1 le niveau de l’eau, 2 l’absence de courants dans l’eau, 3 la température de l’eau, 4 le phosphore, 5 les nitrates. Le problème, c’est qu’on ne peut pas agir sur les quatre premiers. On ne peut agir que sur les nitrates. Comme 95 % des nitrates arrivant dans les baies par les rivières proviennent de l’agriculture. Le raccourci « nitrate= agriculture intensive bretonne = algues vertes » a été vite fait. Cette vision est trop simpliste. Tout le déchainement médiatique qu’on a subi a contribué à donner une image négative de la Bretagne. Cela va contre les intérêts de tous les bretons. Le comité régional de tourisme de Bretagne communique sur les algues vertes de manière beaucoup plus mesurée tout en répondant à toutes les questions que chacun se pose sur le sujet. Je ne peux que conseiller de consulter leur site 

http://www.tourismebretagne.com/informations-pratiques/infos-environnement/algues-vertes

La spécificité du bassin versant de Quillimadec

Le Quillimadec est une baie à petits volumes d’algues vertes. On ramasse chaque année entre 3500 à 4000 m3. C’est peu au regard des 60 000 m3 ramassés chaque année en Bretagne. L’option qui a été choisie est leur épandage sur des terres agricoles. Un plan d’épandage de 120 ha a été fait : 28 exploitations agricoles du bassin versant sont concernées. Chaque année, les épandages sont déclarés  à l’administration. Il est prévu une rotation tous les cinq ans. Je considère que nous avons trouvé une solution satisfaisante pour plusieurs raisons : cela ne coûte pas cher (3 à 4 €/m3), les agriculteurs sont demandeurs, le dispositif est complètement transparent

Comment se sont passées les discussions ?

L’élaboration du plan a pris deux ans. C’est lent et cela amène beaucoup d’échanges avec les différents acteurs. Tout d’abord entre agriculteurs. Entre les réunions « officielles » de la commission algues vertes, nous avons fait beaucoup de réunions informelles (souvent une dizaine de personnes, pas toujours les mêmes) pour valider des options, examiner des nouvelles pistes, approfondir des aspects techniques…. Avec les élus, cela a été relativement facile. Ils nous ont fait confiance. Beaucoup d’entre eux considéraient que le sujet était trop technique. Avec les associations écologistes, ils ont été très présents dans toutes les instances. Ils ont exprimé des réserves en considérant qu’on n’est pas allé assez loin dans le projet et pas assez ambitieux vis-à-vis de l’agriculture biologique. Au final ils ont voté contre le projet, mais nous avons appris à nous connaitre au cours de ces échanges, et désormais, je ressens qu’il y a plus de respect de part et d’autre. Vis-à-vis de l’administration, là aussi, il ya beaucoup d’instances et d’interlocuteurs. Ils imposaient un cadre et il a fallu beaucoup argumenter pour mettre en avant les spécificités du bassin versant. Au final, le préfet de Région a souligné la qualité du dossier. C’est aussi une satisfaction. En conclusion, c’est un dossier très complexe, très lourd à porter, très enrichissant aussi. Je suis confiant, car on est resté réaliste.

Station de compostage : mélange de déchets verts, de boues de staion centrifugées et de déjections animales Procédés de centrifugation: avant d’être incinérées, les boues passent de 2% à 22% de matière sèche par centrifugation. Cette opération est réalisée sur la station d’épuration par une entreprise disposant d’un matériel ambulant.

Un plan d’action qui accélère et structure un mouvement engagé depuis 1996

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De l’expérience acquise dans la lutte pour la qualité de l’eau et pour les algues vertes, on sait qu’en engageant une action concertée sur un territoire, on peut diminuer les concentrations en nitrate dans l’eau des rivières de 1 à 2 % par an. En 20 ans, la baisse de la concentration en nitrate a été de 33 % au niveau de la Bretagne, et de 30 % pour le Bas Léon. Le plan gouvernemental de lutte contre les algues vertes fixait des grandes lignes et des objectifs comme cadre imposé pour chaque programme local.  Ainsi il donnait un objectif de réduction de 30 % de la concentration en nitrate en 3 ans (2012/2015). Ceci nous est apparu complètement irréaliste. On ne peut pas faire en trois ans ce que l’on a fait en 20 ans. De  plus, un objectif d’une concentration de 10 mg/l a été fixé, sur une préconisation d’un comité scientifique. Objectif irréaliste aussi avec l’existence d’une agriculture sur le territoire. Il préconisait en plus une évolution significative du modèle agricole breton. Chacun a pu interpréter cette orientation à sa convenance.

Au niveau du Quillimadec, tout en ayant des réticences vis-à-vis de certaines orientations, nous sommes rentrés dans une démarche de concertation pour élaborer un plan d’action adapté aux spécificités de notre territoire. Le top départ a été donné en juin 2011 par une réunion à laquelle tous les agriculteurs du bassin versant ont été invités. Ensuite avec l’appui des services techniques de la Chambre d’Agriculture, nous avons élaboré le programme agricole du plan. L’exercice est difficile, car on se rend compte rapidement que l’on est obligé de faire des choix. Sans rentrer dans le détail du plan d’action qui comprend 15 fiches-actions, je souhaite insister sur deux actions : le diagnostic-accompagnement individuel volontaire et la réorganisation foncière. Nous avons fait le choix de partir de la situation réelle de chaque exploitation et d’examiner au cas par cas les gains d’azote possibles. Pour l’ensemble du bassin versant, nous envisageons une réduction de l’ordre de 90 tonnes d’azote, ce qui correspond à l’objectif demandé de réduction de 30 %. Ces gains se feront par des changements de pratiques agronomiques, voire par des évolutions de système, quand l’agriculteur le souhaitera. Chaque agriculteur signera un projet d’engagement individuel de réduction d’azote basé sur ce diagnostic. Nous restons dans une démarche volontaire. C’est ce que nous voulions. L’autre action importante est la réorganisation foncière. Nous avons prévu de constituer une réserve foncière de 150 ha et de mettre en mouvement une réorganisation foncière (par échange amiable) pour que les agriculteurs qui le souhaitent puissent augmenter la part d’herbe dans leur système fourrager. Nous avons présenté ce programme aux agriculteurs du bassin versant en décembre 2011. A la réunion, il y avait 80 agriculteurs, il y a eu un bon échange, nous avons répondu aux questions. Nous avons voté. Il n’y a eu qu’une abstention. Nous pensons avoir l’adhésion des agriculteurs au programme.

Un plan d'épandage de 120 ha a été mis en place pour les algues vertes. 28 exploitaions du bassin versant sont concernées. Ce plan d'épandage est transparent vis à vis de l'administration …
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Michel Tanné, 54 ans, marié, père de deux enfants est agriculteur en GAEC (Groupement Agricole d’Exploitation en Commun) avec deux autres associés sur une exploitation produisant du lait et du porc. Michel est le responsable de l’atelier porc. Il est impliqué dans les dossiers concernant la qualité de l’eau et les algues vertes depuis 1998, d’abord en tant qu'adjoint au maire de Ploudaniel, délégué à la Communauté de commune de Lesneven Côtes des Légendes, membre du bureau du syndicat d’eau du Bas Léon. A partir de 2007, n’ayant pas renouvelé son mandat de conseiller municipal et ayant été élu à la Chambre d’agriculture du Finistère, c’est à ce titre qu’il a représenté ses pairs au niveau du bassin versant du Quillimadec, il en est le co-président avec Jean Yves Salaun (maire de Saint Méen) et il siège à la CLE (Commission Locale de l’Eau) pour le SAGE  du Bas Léon (Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux). Par ce parcours atypique, il connait bien les rouages de toutes ces instances et il est devenu un véritable spécialiste des problématiques « qualité de l’eau » et « algues vertes ».

la baie de Guissény

Novembre 2012

Le plan d'action algues vertes du bassin versant de Guissény validé, interview de Michel Tanné, acteur engagé

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

lait

Le plan d'action prévoit un diagnostic par exploitation et un projet d'engagement individuel de réduction d'azote. Cette mesure concerne 150 exploitaions du bassin versant (ceux qui ont plus de 10 ha sur le bassin versant)

 

bocage

Le plan d'action prévoit une réorganisation foncière au niveau du bassin versant